Influences de la loi du 4 mars 2002 sur les pratiques professionnelles ( Catherine Bossard)

Influences de la loi du 4 mars 2002 sur les pratiques professionnelles

Catherine Bossard

INTRODUCTION

La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du systèmes de santé fait évoluer de façon notable les conditions d’exercice des professionnels de santé. De nombreuses dispositions régissant les activités de soins modifient le droit antérieurement en vigueur et suscitent de nouvelles obligations. Par l’ampleur de ses perspectives, cette loi ne laisse aucun domaine hors de son champ d’application. Elle concerne directement l’ensemble des catégories du personnel hospitalier, dans la diversité de leurs missions et compétences au service de la personne malade et de ses proches.

Matériels et méthode

L’ enquête nationale intitulée « loi du 4 mars 2002-titre II et IV: quelles influences sur les activités de soin à l’hôpital? » a été diffusée durant l’été 2003 dans tous les hôpitaux publics et privés participant au service public hospitalier. Les partenaires de l’Espace éthique /AP-HP de cette initiative sont : le dépt de recherche en ethique Paris-Sud 11/AP-HP, la fédération hospitalière de France, la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif , l’Espace éthique méditerranéen /AP-HM et le laboratoire d’éthique médicale, de droit de la santé et santé publique Necker.Les 7000 questionnaires ont été transmis aux directions des différents hôpitaux puis diffusés à l’intérieur de ces mêmes structures à différents services médicaux , médico-techniques et administratifs.De façon générale, les directions ont choisi de diffuser ces questionnaires aux représentants des divers corps professionnels concernés.

L’espace éthique/AP-HP a reçu 3000 réponses.
ci-dessous l’analyse intermédiaire concernant 655 questionnaires.Rien ne laisse présager que ces 1 ers résultats seront conformes à ceux que nous obtiendrons à la fin du dépouillement prévu fin 2004.Cependant, des tendances statistiques, parfois significatives pour l’échantillon étudié, sont suffisamment intéressantes pour évaluer l’influence sur les pratiques de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, plus de 2 ans après son adoption par le parlement.

Premiers résultats

population étudiée: les professionnels de santé ayant répondu sont, pour 49% d’entre eux, des médecins.
30,7% des cadres infirmiers ou cadre de santé.
5,9% des professionnels de santé appartenant à l’administration.
La variété des activités professionnelles concourt à l’expression des diverses visions sur cette loi.
Ont répondu également:
3,8% de chirurgiens,
2,3% d’infirmiers,
2,3% de sages-femmes,
1,1% de juristes et enfin des aides-soignants, des associatifs, des cadres pédagogiques, des assistances sociales, des ergotherapeutes, des pharmaciens, des psychologues, des techniciens de labo…

En ce qui concerne la loi du 4 mars 2002, 2,7% des enquêtés affirment ne pas du tout connaître son contenu, 42,3% le connaître mais sans en savoir lu précisément le contenu.Enfin, 55,1% disent en revanche, avoir lu le texte de la loi.

L’information de la personne malade.

l’information par le soignant.
Pour 60,1% des enquêtés, l’attention qu’ils portent à l’information de la personne malade n’a pas changé du fait de la loi.En revanche, 30,8% d’entre eux disent porter une attention différente à l’information de la personne malade du fait, précisément, de la loi.Enfin, 9,3% des enquêtés disent avoir évolué dans l’attention qu’ils portaient à l’information, cela pour d’autres raisons.Parmi celles-ci, notons l’instauration d’une démarche personnelle ou institutionnelle (ayant précédé la loi du 4 mars 2002) respectivement pour 19,3% et pour 22,8% ( d’entre les professionnels ayant porté une attention différente à l’information pour une autre raison que la loi du 4 mars 2002 ), la réponse à unedemande de + en+ importante émanant des personnes malades pour 15,8%, une attention surtout portée sur l’écrit pour 7%, le constat d’une certaine « judiciarisation « des pratiques pour 3,5%des enquêtes.

La loi du 4 mars 2002 précisant, comme indiqué dans l’article L.11 11-2 du code de santé publique, que « l’information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences «  , nous avons demandé à ces mêmes professionnels de santé si, au sein de leur équipe, le rôle de chacun concernant l’information de la personne malade établi de manière explicite.51,3% des personnes nous ont répondu positivement,tandis que 36% negativement.Sur notre échantilllon, la différence apparaît de façon significative.Parmi les précisions apportées par les enquêtés, notons les éléments suivants:
le rôle de chacun est formalisé, soit par écrit (11,6%), soit par oral(4,6%). Ce n ‘est pas le cas par écrit pour 24,1% des enquêtés.Il existe par ailleurs un rappel régulier des rôles de chacun pour 4,5% des personnes interrogées.D’autres nous indiquent que le rôle d’information de la personne malade incomberait au médecin seul(17,4%) ou que le rôle de chacun n’est pas formalisé mais qu’il s’adapte en fonction des compétences de chacun des membres de l’équipe de soin(50,2%), enfin que cette complémentarité est parfaitement revendiquée pour 2,5% des enquêtés ou même que le rôle est formalisé sur quelques sujets(3,3%).

L’obligation d’information avant tout acte ou investigation suppose de prendre en compte de nombreux éléments tels l’information sur les risques, les éventuels bénéfices, les conséquences prévisibles en cas de refus ou les alternatives.Les 2 principales modalités d’information -orale et ecrite- sont utilisées de façon diverse par les professionnels.

Pour ce qui concerne l’obligation d’information avant toute investigation, 77,1% des professionnels informent toujours oralement de l’utilité de cette investigation, tandis qu’ils ne sont que 7,1% à le faire toujours par écrit, plutôt enclins, pour 42% d’entre eux, à ne jamais le faire.75,5% des professionnels affirment toujours informer oralement des conséquences prévisibles en cas de refus de l’investigation, tandis qu’ils ne sont que 15,5% à le faire toujours par écrit, 36,6% n’informent jamais selon cette modalité.58,4% des professionnels informent toujours oralement des risques que comporte l’investigation tandis qu’ils ne sont que 8,8% à le faire par écrit.64,5% des professionnels informent toujours oralement des conséquences prévisibles de sa réalisation, tandis qu’ils ne sont que 7,6% à toujours informer par écrit, plutôt enclins à ne jamais l’entreprendre pour 42,7% d’entre eux.

61,3% des professionnels informent toujours oralement des alternatives d’investigation.Ils ne sont seulement que 5,2% à le faire par écrit, 49,5% ne le font jamais par cette voie.Enfin, 78,1% des professionnels informent toujours oralement du degré d’urgence de sa réalisation, 6,6% le font par ailleurs toujours par écritmais 49,2% jamais.Les quelques précisions apportées sur cette obligation d’information avant toute investigation caractérisent des tentatives de notification écrite ou de « fiche de consentement éclairé »pour 26,6%.On relève aussi que l’information précédant l’investigation incomberait au médecin seul(24,4%), que cette information dépend de la nature même de l’examen (19,4%), que cette obligation parait bien instituée dans certaines spécialités comme la génétique ou la recherche (8,3%); 6,9% des personnes interrogées considèrent que le courrier au médecin traitant participe à cette obligation;8,1% précisent que la capacité de discernement ou de compréhension varie suivant les personnes malades et qu’il est dès lors difficile d’adopter une information homogène pour tous les malades et notamment pour des situations pathologiques ou l’état de conscience n’est pas ou peu compatible avec la bonne réception d’une information.6,9% des professionnels nous indiquent que l’on expérimente diverses modalités de l’écrit dans les services, enfin d’autres renvoient la personne malade aux informations disponibles sur Internet.

Pour ce qui concerne l’obligation d’information avant tout acte ou prescription,71,3% des professionnels informent toujours oralement des bénéfices escomptés de cet acte ou de cette prescription, tandis qu’ils ne sont que 5,7% à informer par écrit, 48,9% ne le faisant jamais.55,1% des professionnels informent toujours oralement des risques éventuels d’un acte, 8,4% le font également toujours par écrit, 43,7%sont plutôt enclins à ne jamais le faire selon la modalité.63,5% des professionnels informent toujours oralement des conséquences de la réalisation d’un acte, 6,9% seulement le font également toujours par écrit, 45,4% ne le font jamais selon la modalité.(…)

Parmi les précisions apportés par les enquêtés, 31,8% rappellent, comme précédemment, que selon eux, les informations de ce type incombent uniquement au médecin, 24,7% soulignent que l’état de conscience a un impact important sur la manière d’informer et la quantité d’informations, 15,3% rappellent que la capacité de discernement varie suivant les personnes malades, appelant consécutivement à une approche personnalisée de l’information, 14,1% font état de l’existence de notification écrite, de « fiche de consentement éclairé », 5,9% d’essais sur l’écrit; enfin 9,4% rappellent que cette obligation est déjà instituée dans les domaines de la génétique et de la recherche.Par ailleurs, comme pour l’investigation, certains soignants invitent les personnes malades à se renseigner sur internet (2,3%).

Cette « obligation d’information » avant tout acte ou tout investigation n’est pas sans entrainer des difficultés dans sa mise en oeuvre.Parmi ces difficultés, notons de façon prédominante: le manque de temps et le manque de moyens pour 31,4% des professionnels intérrogés, l’incertitude quant à la compréhension du patient pour 28,1%, certains états de santé (vulnérabilités) qui constitueraient des barrières effectives à la communication (11,1%), l’obligation d’information qui renforcerait l’anxiété des patients (10,1%), l’information qui pourrait être plus nuisible que bénefique pour laquelle il est nécéssaire d’adapter l’information (4,6%), l’absence de protocoles d’information écrits.(…)

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